Franc suisse : Quelles perspectives pour 2021 ?
Au terme d’une année 2020 particulièrement agitée pour le franc suisse (CHF), l’horizon semble se dégager peu à peu pour la devise helvétique en ce tout début d’année 2021.
Suite à l’atteinte d’un point bas vieux de 5 ans (à 1,0504 le 14 mai dernier), la paire EUR/CHF est en effet d’ores et déjà revenue aux alentours des 1,0850, et cette tendance à la dépréciation du franc suisse pourrait bel et bien se poursuivre.
Parmi les plus suivis du marché des devises, le consensus Bloomberg envisage en effet un retour de la paire EUR/CHF à 1,1100 au cours de l’année 2021 à la faveur de la résorption de la crise sanitaire et économique.
Une année 2020 relativement tumultueuse
À l’occasion de sa dernière réunion trimestrielle, la Banque nationale suisse (BNS) est venue confirmer la poursuite de sa politique monétaire expansionniste avec un taux directeur inchangé et toujours nettement ancré en territoire négatif à -0,75%.
Alors que les perspectives d’inflation restent incertaines, la BNS poursuit donc son soutien à l’économie suisse en garantissant des conditions de financement particulièrement favorables aux entreprises et ménages touchés par la crise afin de préparer et d’encourager la reprise économique attendue en 2021.
Ce statu quo monétaire vise par ailleurs à prévenir toute appréciation excessive du franc suisse (défavorable aux entreprises suisses exportatrices), et ce, notamment en vue d’éviter de coûteuses interventions sur le marché des changes.
En effet, si la BNS s’était résignée à injecter 90 milliards de francs suisses (CHF) au premier semestre 2020 pour acheter des dollars américains et contrer l’envolée de la devise helvétique face au billet vert, cette dernière profite depuis quelques mois déjà du retour de la confiance des investisseurs, et de leur sortie progressive des valeurs refuges.
Accusés par l’administration Trump de manipuler le franc suisse, la BNS et son président Thomas Jordan ont donc pour l’heure choisi de ne pas tenir compte des menaces américaines, et d’attendre l’entrée en fonction de l’administration Biden.
3 actualités clés à suivre en 2021
Première actualité à suivre en 2021, l’inflation (négative au cours de l’année 2020 à -0,7%) sera scrutée de près par le marché des changes au cours de ces prochaines semaines.
Si la reprise économique rendue possible par les campagnes de vaccination et par l’importance des plans de relance venait à se concrétiser, l’inflation pourrait repartir de l’avant et contribuer à affaiblir le franc suisse. Néanmoins, la sous-utilisation des capacités de production suisses et mondiales pourrait encore freiner l’inflation pendant plusieurs mois.
Pour l’heure, la BNS prévoit une inflation nulle en 2021, et de +0,2% en 2022.
Deuxième actualité à suivre de près, la reprise économique de l’Union européenne pourrait avoir un impact direct sur la valorisation du franc suisse, et tout particulièrement sur l’évolution de la paire EUR/CHF.
En effet, à l’image du dollar américain d’abord dopé par la crise, puis pénalisé par la reprise, le franc suisse dont la valorisation avait fortement progressé au mois de mai 2020 revient actuellement au contact de ses moyennes historiques.
En tant que valeur refuge de choix pour les investisseurs européens, le franc suisse est en effet à même de se comporter de façon contracyclique. Une embellie de la situation économique européenne pourrait ainsi le pénaliser, alors qu’une rechute pourrait au contraire le faire s’envoler vers de nouveaux sommets.
Enfin, troisième actualité à ne pas négliger, le spectre de la guerre monétaire pourrait bien être le fil rouge de ce début d’année 2021 avec l’entrée en fonction de l’administration Biden et de Janet Yellen, ex-présidente de la Réserve fédérale américaine, au poste de Secrétaire du Trésor des États-Unis.
En effet, ce qui n’était jusqu’en ce mois de décembre 2020 qu’une simple accusation du président Trump est désormais écrit noir sur blanc dans le dernier rapport du Trésor américain. En vertu des 3 critères définis par le Trade Facilitation and Trade Enforcement Act (TFTEA), la Suisse y est accusée d’être un “manipulateur de devises” au côté de pays tels que le Japon, l’Italie, ou encore l’Allemagne.
Bien que la BNS ait rejeté ces accusations en bloc et décidé de poursuivre sa politique monétaire actuelle, l’évolution des relations bilatérales entre la Suisse et les États-Unis sera de toute évidence à observer de près au cours de l’année 2021 afin de voir si la menace américaine reste lettre morte ou si celle-ci donne lieu à de véritables sanctions. Ce qui, le cas échéant, pourrait donner lieu à d’importants pics de volatilité !
Évolution de la paire EUR/CHF
Comme mentionné ci-dessus, la paire EUR/CHF a repris une certaine confiance après la chute vertigineuse atteinte le 14 mai 2020 à 1,0540. Depuis cette date, nous sommes actuellement sur un canal haussier comme démontré sur le graphique ci-dessous avec la droite 1 (support) et la droite 2 (résistance) . Un premier objectif serait de casser cette droite 2 et d’atteindre les 1,09, puis une confirmation de la tendance haussière avec une cassure des 1,10 (taux qui n’a plus été atteint depuis décembre 2019).
Comments
Quel pourrait-être d’après-vous la forme d’éventuelles sanctions américaines et quels seraient leur impact sur le franc suisse?
Bonjour,
Merci pour votre message.
Les sanctions américaines peuvent être diverses, mais un des leviers que les États-Unis utilisent ces derniers temps est l’implémentation de tarifs douaniers sachant que ces derniers ont un déficit commercial avec la Suisse (déficit de 5 milliards de dollars en 2019). La Suisse exporte principalement des montres de luxe, du chocolat et des services financiers. L’instauration d’un tarif douanier par exemple sur les montres de luxe aura potentiellement peu voir aucun impact sur la demande américaine, car le marché du luxe a une demande peu élastique.
Lors de l’annonce de cette accusation, la monnaie helvétique avait reculé contre la monnaie unique et le billet vert. Une sanction quelconque pourrait entrainer une dévaluation de la monnaie helvétique ce qui pourrait faire encore gonfler le déficit. Nous pensons qu’il faut prendre ces accusations avec des pincettes, car les États-Unis ne seront probablement pas le “triomphateur” d’un début de guerre commercial avec la Suisse.
David Perreira